comme chiens et chats {pv

« Bonjour monsieur Beaumanoir. Comment allez-vous aujourd'hui ? » Le jeune homme interpellé se retourna vivement et fit face à une jeune femme très mignonne au boucles blondes et au sourire triste placardé sur son visage de porcelaine. Gauthier ne se souvenait plus vraiment de son prénom mais cela ne l'empêcha pas de faire une révérence de circonstances et de placardé un sourire à son tour sur son visage « Agréablement bien mademoiselle et vous ? » Toujours poli, toujours impeccable, Gauthier ne semblait avoir aucun mal à être parfait et pourtant c'était un travail de tous les instants. La jeune femme attrapa ses jupons et d'un mouvement d'épaule invita le jeune homme à venir se ballader avec elle. Il ne pût refuser et commença à marcher à ses côtés, mains dans le dos tout en étant à l'écoute. « Par cette magnifique journée, je ne peux qu'aller bien. Elle étira un nouveau sourire triste Et votre fiancée, comment va-t-elle ? » Gauthier ne pût s'empêcher de frissoner à cette idée.

Fiancé. C'était vraiment une idée saugrenue que celle-ci. Certes Ninon était un parti presque parfait. Elle était absolument divine, d'une douceur sans précédent, titrée et pas n'importe quel titre, duchesse je vous prie, et tant d'autres qualités qu'il oubliait. Mais il restait un problème dans cette situation parfaite. C'était Ninon et à chaque fois que l'on parlait d'elle autour du jeune homme il ne pouvait s'empêcher de voir une jeune femme frivole, indocile, à la limite de la dépravation. Tellement à l'opposé de lui. Et puis sa façon de toujours le taquiner, le mettre mal à l'aise et ce plaisir qu'il pouvait lire dans ses yeux dans ses moments là, il ne pouvait plus la supporter.

Mais aucun de ces sentiments ne pouvaient être lus sur son visage. Il proposa sa main à la jeune femme pour l'aider à descendre les quelques marches qui donnaient sur l'allée principale de Poudlard puis pris une grande inspiration avant de répondre « Je suppose qu'elle doit aller bien. Je ne l'ai pas encore vu aujourd'hui mais la connaissant, je pense qu'elle doit s'amuser quelque part avec ses amies. » Un discret hochement de tête et l'inconnue sembla perdue dans ses pensée et G. en profita pour lui fausser compagnie sans toute fois oublier de lui dire au revoir.

Qui avait bien pût user de son influence pour arranger ce mariage complètement grotesque ? Sûrement un duc, peut-être même le père de Ninon. Mais pourquoi avec lui ? Il n'était qu'un petit français sans titre. Certes il se savait important puisqu'il avait été choisit parmis les meilleurs de BeauxBâtons mais quand même, cela ne suffisait pas pour organiser un mariage. Et c'est avec ce genre de pensées que le jeune français commença à se ballader dans le parc. Il ne regardait pas vraiment où ses pas le menait trop concentré à trouver le pourquoi de l'affaire et qui se cachait derrière tout cela. Quand soudainement il repris ses esprits ce fut à cause d'une immense haie qui lui barrait la route. Reculant de quelques pas il fit rapidement le tour de lui-même et s'aperçut qu'il était dans le fameux labyrinthe du parc et soupira. Il ne manquait plus que ça. Il soupira, se disant que la situation ne pourrait pas être pire mais c'était sans compter sur l'ombre fugace qu'il aperçu dans le coin de son oeil. Quand on parle de la louve, on finit par y voir le bout de sa queue non ?

« Ninon. Que faîtes-vous là ? »

« […] Donc, la logique voudrait que vous soyez une poule mouillée. »
«Ce qui est totalement faux ! Je serais parfaitement capable de le faire ! »
« Permettez-moi d’en douter, Ninon...»

La moue boudeuse, la duchesse se retenait péniblement de ne pas tirer la langue comme une vulgaire enfant. Car malgré tout, le duc en face d’elle ne faisait que la provoquer. Elle se devait d’ignorer la lueur de défi qui animait les yeux du jeune homme. Il le fallait. Mais l’envie irrémédiable de lui prouver qu’il avait tort, grandissait au fur et à mesure. Ninon était querelleuse, le duc le savait pertinemment. Il la connaissait assez pour également savoir, qu’elle n’était pas assez stupide pour accepter ce genre de challenge. Et pourtant...

« Je le ferai. »

Ce fut ainsi qu’elle se retrouvât dans le labyrinthe le lendemain, armée de sa seule baguette. Le temps maussade ne l’avait guère convaincu d’abandonner, malgré les réprimandes d’Hortense, qui ne voyait guère l’intérêt de ce défi. Pour tout avouer, Ninon ne le savait pas elle-même. Elle se mit tout particulièrement à regretter cette aventure lorsqu’elle se rendit compte de l’inévitable. Elle s’était perdue.

Les chemins étaient absolument identiques. Les haies étaient tellement hautes, qu’il semblait presque impossible de distinguer le ciel ombrageux. La jeune fille frissonna violemment. Empruntant une bifurcation dès qu’elle en voyait une, elle n’osait plus espérer trouver une autre atmosphère, bien moins lugubre que celle qui l’entourait depuis au moins une heure. Chaque allée était déserte, ne faisant que l’inquiéter davantage. Ne disait-on pas que le labyrinthe regorgeait de pièges et créatures en tout genre ? Ninon déglutit péniblement, les yeux hagards du moindre changement. Son pouls s’accéléra lorsqu’elle prit un énième virage. Un soupir de soulagement s’échappa du coin de ses lèvres rosées, lorsqu’elle se rendit compte qu’elle n’était que dans un cul de sac, et qu’aucune créature potentiellement dangereuse ne la guettait. Ninon intensifia le sortilège qu’elle avait utilisé pour éclairer la voie dans laquelle elle se trouvait, avant de reprendre sa recherche. Si seulement, elle se souvenait de ce cours théorique de deuxième année, de Sorts & enchantement ! Elle aurait pu aisément trouver la sortie, en utilisant une boussole magique ou quelque chose de ce genre.

« Ninon. Que faites-vous là ? »

La duchesse sursauta violemment, avant de se retourner vivement vers le jeune homme. Elle ignora éperdument la question de son fiancé. A vrai dire, elle n’était même pas certaine qu’il s’agissait réellement de lui. Le soulagement de reconnaitre un visage familier se mélangeait au scepticisme. Était-ce Gauthier, ou le premier piège que le labyrinthe lui réservait ? S’il n’était qu’une illusion, alors elle devait avouer qu’elle était irrésistiblement convaincante, car même l’ombre du jeune homme créée par le halo lumineux de son sort, se répercutait sur les haies sombres.

« Gauthier...Gauthier Beaumanoir. » dit-elle, méfiante, tout en se rapprochant lentement du français. « Est-ce...êtes-vous...est-ce que tu es...toi ? »

Ninon ne s’était jamais comportée ainsi avec lui, et pour cause, il avait beau être le potentiel destructeur d’un avenir rempli de libertés qu’elle chérissait tant, il restait l’agréable petit français coincé qu’elle ne pouvait s’empêcher de taquiner inlassablement. La jeune sorcière avait donc l’habitude de rester un joyeux brin de femme en sa présence, à la fois mutine et harassante. Ainsi, la seule chose qui restait un tant soit peu normale dans le comportement de Ninon, était le tutoiement qu’elle venait d'employer à l’encontre de Beaumanoir. La seule marque qui montrait que sous cette apparence terrifiée et ce visage exprimant le malaise, Ninon restait bel et bien l’unique duchesse Fizwilliam.

Le jeune homme se gratta l’arrière du crâne. C’était déjà la poisse de se retrouver coincé dans un labyrinthe mais si en plus il devait être coincé dans ce fameux dédale avec Ninon, c’était carrément le purgatoire en avance. Il plissa légèrement les yeux, quelque peu aveuglé par le sortilège de lumière de la jeune femme. On la voyait venir de loin avec cette baguette en tout cas, tactique plutôt ingénieuse si le but est d’attirer toutes les bestioles susceptibles de les dévorer en un coup de dent.

« Gauthier...Gauthier Beaumanoir. » L’intéressé fronça les sourcils. Il n’avait encore jamais vu la pétillante Ninon bégayer, encore moins quand elle s’adressait à lui. Elle était plutôt du genre à prendre son air supérieur, ses grands airs de princesse et son sourire diabolique quand elle était en face de lui plutôt que de bégayer comme elle venait tout juste de le faire. « Est-ce...êtes-vous...est-ce que tu es...toi ? » La question le déstabilisa et il lui fit des yeux ronds comme si la Ninon qu’il avait en face d’elle était possédée par une force supérieure qui s’amusait à la tourner en ridicule. Sur le coup le jeune homme ne répondit pas tandis qu’il analysait la situation à la vitesse de la lumière comme il savait si bien le faire. Tout en lui doutait de la véritable Ninon qui était en face de lui mais d’un autre côté elle l’avait tutoyé et seule la vraie duchesse Fitzwilliam était dotée d’autant de zèle le concernant. Il se rassura avec cette idée et se décontracta un peu.

« Bien sûr que c’est moi. Si j’étais une créature de ce labyrinthe, je ne vous aurais pas adressé la parole. D’ailleurs je pense que je ne vous aurais même pas laissé le temps de comprendre que j’étais là. il toussota, de peur de s’être emballé dans son explication. D’un pas prudent, il s’approcha de la belle Poufsouffle, les mains devant lui comme signe de rédemption et une fois qu‘il fut sûr de ne pas recevoir de sortilèges désagréables en pleine face, il pris la main de la jeune femme qui tenait sa baguette dans la sienne et diminua le sort de luminosité. En revanche je suis sûr que les créatures qui habitent ses lieux seraient ravis de vous tomber dessus, surtout quand vous leur offrez une si belle cible bien repérable. »

Maintenant qu’il était proche d’elle et non plus aveuglé par sa baguette, il pût lire la peur sur le visage de la jeune femme et s’en voulu quelque peu d’avoir été si rude avec elle, ce n’était pas exactement l’attitude d’un gentleman qu’il était pourtant censé être. Son regard glissa sur leurs deux mains posées l’une sur l’autre et son visage s’empourpra. Il la retira vivement et releva la tête pour dissimuler sa gêne. « Hum… Bon… Et si on sortait d’ici ? »

« Bien sûr que c’est moi. Si j’étais une créature de ce labyrinthe, je ne vous aurais pas adressé la parole. D’ailleurs je pense que je ne vous aurais même pas laissé le temps de comprendre que j’étais là. »

Ne sachant plus quoi penser, Ninon déglutit péniblement. Elle l’observa avec méfiance au fur et à mesure qu’il approchait d’elle. Et s’il s’agissait d’un épouvantard ? La Poufsouffle avait toujours eu une malchance inouïe concernant ces créatures. Elle n’en avait rencontré que quatre durant ces seize dernières années, mais à chaque fois, la bestiole s’était transformée en autre chose que ce dont à quoi elle s’attendait. Tout portait à croire que la jeune femme « changeait » de peur comme elle passait d’hommes à hommes. A moins que ses craintes étaient diverses et s’égalaient plus ou moins, empêchant les épouvantards de s’approprier une peur définitive ? Quoiqu’il en soit, en cet instant Ninon ne pouvait être sûre de rien. Alors, voir Gauthier Beaumanoir s’approcher d’elle, alors que la jeune fille se trouvait seule et perdue dans un labyrinthe ? Rien d’étonnant, à ce qu’elle n'arrivait guère à croire les paroles de la personne en face d’elle. Pourtant, la Poufsouffle n'osa esquisser un quelconque mouvement, jusqu'au moment où il prit les mains de la jeune femme dans les siennes. Ninon réprima un frisson lorsque leurs peaux entrèrent en contact. Surprise par la chaleur émanant du sorcier, elle se laissa faire comme une vulgaire poupée de porcelaine, les yeux vigilants de la moindre faille prouvant que Gauthier n'était pas ce qu'il semblait être.

« En revanche je suis sûr que les créatures qui habitent ses lieux seraient ravis de vous tomber dessus, surtout quand vous leur offrez une si belle cible bien repérable. »

La respiration de la jeune fille s'accéléra davantage, soulevant et abaissant sa cage thoracique dans une allure frénétique. C'est alors que Gauthier fit un geste qui la désarma. Mais ce fut particulièrement les joues du garçon qui retinrent l'attention de la jeune sorcière : elles s’empourpraient.

« Hum… Bon… Et si on sortait d’ici ? »

Quelques secondes passèrent, dans le silence étouffant du labyrinthe. Arborant une expression ahurie sur le visage, Ninon restait figée. Gauthier était bel et bien Gauthier. Il n’y avait plus la moindre ombre d’un doute. Ce rougissement, cette maladresse due à un simple effleurement de leurs mains. Assurément, un épouvantard ne pouvait imiter aussi parfaitement le français coincé qu’elle connaissait. La jeune femme cligna plusieurs fois des yeux pour revenir à elle, refermant par la même occasion ses lèvres qui s’étaient légèrement ouvertes par la surprise.

Ninon laissa échapper un rire nerveux, qui se répercuta contre les murs de l’allée où ils se trouvaient. S’ils avaient réussi à se préserver de la moindre attention d’une créature en se chuchotant, il était plus que probable qu’à présent, la Poufsouffle avait du capter leur attention avec son éclat de rire. Cependant, Ninon ne se rendit pas compte de son impair, et se jeta contre le torse du français. Ses mains s’agrippèrent autour du torse du garçon, comme s’il était une bouée de sauvetage. Son geste, pour une fois, n’avait rien de provocateur. Inconsciente du malaise qui aurait pu secouer le garçon, elle était dans l’incapacité de se délecter de sa réaction, trop excitée par sa présence. Elle n’était plus seule ! Ils pouvaient s’en sortir, surtout avec un sorcier aussi doué que lui !

« Par Merlin, je n’ai jamais été aussi heureuse de te voir ! » Cria-t-elle presque, d’une voix étouffée dans l’épaule du garçon. « Oh par Merlin. » répéta-t-elle, alors que ses nerfs se détendaient peu à peu, effaçant la pression et la peur qui avaient paralysées tous ses membres depuis le début de son ‘aventure’, « J’ai cru que j’allais mourir seule ici. Abandonnée de tous, dans le noir, bouffée par des chacals. On aurait retrouvé mon corps ensanglanté des années plus tard, et j’aurais hanté le labyrinthe jusqu’à la fin des temps. On m’aurait appelé Nini la solitaire, Nini la folle dinguo, quelque chose de bien humiliant comme le surnom de Mimi Geignarde. » Gémit-elle la gorge serrée, retenant avec difficulté des larmes de joie et de soulagement.